Éditorial
ÉDITORIAL. Berne invite des «experts» du Ministère chinois de la sécurité publique pour identifier ses ressortissants refoulés. C’est problématique

Est-il légitime d’inviter des agents de la sécurité chinoise à enquêter en Suisse sur l’identité de concitoyens renvoyés par Berne? La question pourrait sembler absurde à l’heure où la répression menée par l’Etat chinois contre toute forme d’opposition est à son paroxysme. C’est pourtant bien la réalité, restée méconnue jusqu’à ces derniers jours, qui prévaut depuis fin 2015. Il y a cinq ans, Mario Gattiker, le directeur du Secrétariat d’Etat aux migrations, signait à Pékin un accord détaillé avec un responsable du Ministère chinois de la sécurité publique, permettant aux «experts» chinois d’«assister» leurs collègues suisses pour procéder à des renvois de personnes en situation illégale.
A ce sujet: Questions autour d’un accord discret de Berne avec Pékin
Scandaleux? «Circulez, il n’y a rien à voir», rétorque le SEM. Non sans quelques raisons à faire valoir. A commencer par le respect de la volonté du peuple suisse. Celui-ci s’est prononcé à plusieurs reprises pour un durcissement de l’asile et une limitation de l’immigration. Notre administration fait au mieux pour appliquer cette politique. La Suisse protège les personnes qui encourent des risques et expulse celles qui n’ont pas de justification à rester sur son sol. Y compris lorsqu’elles viennent de pays dont l’Etat de droit est loin de répondre aux critères qui prévalent ici. Négocier avec la Chine les conditions de tels renvois, en accord avec le droit international, est de ce point de vue parfaitement recevable. Mario Gattiker fait son job, au plus près de sa conscience.
Sur le plan politique, il pourrait toutefois en aller autrement. Surtout lorsqu’on évoque nos relations avec l’Etat le plus policier de la planète. Les événements en cours à Hongkong, les informations qui nous parviennent depuis plusieurs mois du Xinjiang, la répression continue exercée contre les intellectuels et les avocats chinois ne devraient pas nous laisser indifférents. Il ne s’agit pas de couper les ponts avec Pékin, mais de s’interroger sur la nature de notre relation. Renvoyer par exemple des demandeurs d’asile chinois – une dizaine depuis cinq ans – n’est-il pas problématique, même avec toutes les précautions d’usage? La Chine a changé depuis cinq ans. Et pas dans le sens espéré par les tenants du droit, ici et en Chine. Il est peut-être temps d’en prendre note, y compris pour ce type d’accord.
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Il y a 7 mois
XI Jinping préside le PCC depuis 2012 et la Chine depuis 2013. La Suisse, représentée par M. Gattiger, a signé cet accord en 2015. Vu de Suisse, l’attitude et le comportement du PCC, et donc de la Chine, envers « ses opposants« s’est très durcie et ne tolère aucune dissidence envers son autorité. Une forme de protestation de la Suisse pourrait être de dénoncer l’accord signé en 2015 ou ne pas le reconduire comme cela avait semble t il été prévu en 2020. Nos instances politiques y réfléchissent probablement.
Il y a 7 mois
In reply to (sans sujet) by J. DELAPLANETE
Bonjour, en fait, comme me le signale un lecteur avisé, l'accord a été signé à Pékin par l'ambassadeur de Suisse de l'époque, M. Jean-Jacques de Dardel, et non M. Mario Gattiker.
Il y a 7 mois
Que le gouvernement suisse permette au gouvernement chinois, qui démontre chaque jour son mépris total pour les droits de l'homme, d'enquéter en Suisse sur ses citoyens est proprement scandaleux, et indigne de notre pays. J'ai honte de la Suisse, un tel accord n'aurait jamais dû avoir lieu. Nos politiciens vont devoir rendre des comptes.
Il y a 7 mois
Le texte de l'accord obtenu via la loi sur la transparence. Merci Sebastien Fanti
https://documentcloud.adobe.com/link/review?uri=urn:aaid:scds:US:6a58a1…
Il y a 7 mois
In reply to (sans sujet) by La M
Bonjour, merci d'avoir mis à disposition le texte, qui n'est en fait toujours pas accessible sur le site du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). L'excellent site d'information sur les relations entre la Suisse et la Chine, Sinoptic (https://www.sinoptic.ch/identification-de-citoyens-presumes-chinois-en-…), indique toutefois un lien sur le site du DFAE qui évoque cet accord sans toutefois mettre le document à disposition.
Il y a 7 mois
Après les grandes oreilles des USA vers Loèche, le scandale Crypto, voici maintenant la venue d'experts chinois et russes... La Suisse courbe bien facilement l'échine devant les puissants. Quelle honte et quelle tristesse.
Il y a 7 mois
Mme Sommaruga était ministre de la justice entre 2010 et 2018 et responsable de l'immigration au moment de cette signature . Elle n'a pu que cautionner cet accord avec le CF de l'époque .
Ensuite, cette dame socialiste vient nous gaver de beaux discours sur les droits de l'homme .
bla-bla-bla ...
Il y a 7 mois
Notre Police n’est-elle pas assez efficace ? Elle a besoin d’une police étrangère dont la déontologie est d’une respectabilité à toutes épreuves. Cette police est prévenante, (elle soude les portes, que sont devenus les personnes qui étaient derrière ces portes ?) Cette police stérilise de force et interne une multitude de femmes. Cette police tortue des hommes, des femmes car ils sont trop instruits. Cette police est d’une douceur… Mais que fait la Suisse ? Monsieur Mario Gattiker devrait aller habiter durant un an au Xinjang est voir si, il lui est possible d’être aussi libre que nous le sommes ici en Suisse. De pratiquer sa religion, sa façon de penser, de pouvoir exprimer des paroles différentes que celle de ce beau gouvernement avec le quel il a signé un accord aussi effrayant qu'abominable.
Il y a 7 mois
Je suis scandalisée d'apprendre ceci dans le journal. Les contrats sont fait et défait et doivent être revu regulierement. Ceci est un devoir à mon avis.
Il y a 7 mois
Etrangement, ça me fait penser à la politique des autorités suisses durant le 2ème guerre : collaboration, délation, renvoi, afin de conserver de "bonnes relations" avec les Nazis.
Laisser l'ingérence policière chinoise s'exercer sur notre territoire pour conserver de "bonnes relations économiques" avec ce régime totalitaire, me paraît totalement comparable.
Nous nous ferons traiter de "collabo", nous les Suisses, par cette lâcheté de nos autorités. Et bien sûr, comme par le passé, nous nous taisons, nous laissons faire !
Je félicite les éditorialistes qui prennent position et qui dénoncent ces honteux (pour ne pas dire pire) accords passé avec la Chine. J'espère que les défenseurs des droits de l'homme vont réagir avec force.
Décidément, aussi vite que possible et aussi lentement que nécessaire, notre démocratie est en train de se faire la malle !
Il y a 7 mois
In reply to (sans sujet) by Georges Berchier
Bonjour, comme indiqué dans l'article associé à cet éditorial (https://www.letemps.ch/suisse/questions-autour-dun-accord-discret-entre…), ce n'est pas Pékin qui a cherché à s'ingérer dans nos affaires intérieures, mais bien la Suisse qui expressément demandé à la Chine un tel accord. Cela a été l'objet d'un donnant-donnant, la partie chinoise étant demandeuse pour des questions visas pour les diplomates.
Il y a 7 mois
Renvoyer les demandeurs d'asile chinois est un scandale !! Une horrible injustice indigne d'un pays qui souhaiterait respecter les droits humains.
Il y a 7 mois
Je trouve vraiment incroyable (et injuste) que la Suisse laisse contrôler par les Chinois leurs demandeurs d'asile en Suisse, peu nombreux, et que par ailleurs il n'y ait quasi aucune vérification (par les autorités) des très nombreux illégaux ou requérants, originaires en particulier d'Afrique, et qui hantent sans droits nos rues, en dealant, entre autres... Mais devant la Chine, on se couche, même quand ils nous envoient le Covid !!!
Il y a 7 mois
In reply to (sans sujet) by Isabelle Brunier
Bonjour, deux précisions: il s'agit de requérant d'asile déboutés, d'une part, la partie chinoise, selon le SEM, n'est par ailleurs pas informée du statut de requérant d'asile des personnes qu'elle aurait à auditionner pour déterminer leur identité.
Il y a 7 mois
On se croirait revenu à l'époque du "bon" Heinrich Rothmund (1888-1961), directeur de la division de la police du Département de justice et police ...
Il y a 7 mois
Absolument inapproprié.
Il est inacceptable que de tels accords persistent et ne soient pas revus au fur et à mesure des évolutions politiques dans les pays concernés.
Je suis surprise du manque de réaction des ONG.